Fanny Meyer, déléguée à la politique du livre nous avait demandé, à nous autres les cinq auteur·e·s des livres en sélection, de préparer un mot, au cas où notre ouvrage aurait été choisi par une majorité du public ayant voté.

Voici donc le petit discours que je n’ai pas lu,
lors de la belle soirée organisée au Théâtre de Vidy, le 20 janvier 2025.


 Mesdames et Messieurs,

Je suis heureuse de me retrouver au théâtre de Vidy ce soir, en votre compagnie.
J’aimerais remercier toutes les personnes dans le public, et aussi celles qui sont ailleurs, de s’être intéressées au Prix du livre de la Ville de Lausanne et d’avoir voté.
Pour histoire de l’homme qui ne voulait pas mourir, bien sûr, mais aussi pour La Vie des choses, pour Le lotus jaune, pour Une singularité, et pour Au cœur de la bête.
Et je tiens à saluer chaleureusement Marc Agron, Hélène Jacobé, Bastien Hauser et Lorrain Voisard.

J’adresse un cordial clin d’œil à Marina Rollman, notre marraine, ainsi qu’à toutes les personnes qui ont œuvré pour mettre sur pied cette cérémonie joyeuse et originale dans ce théâtre où nous accueille Vincent Baudrier.

Je tiens à dire un grand merci à Fanny Meyer, infatigable déléguée à la politique du livre et, à travers elle, à toutes les personnes qui aux archives, dans les bibliothèques, les divers services, dans la photographie et le graphisme contribuent à faire vivre les livres, et pas seulement les nôtres.

J’aimerais adresser une salutation reconnaissante – et si possible encourageante – aux autorités publiques, et en particulier à Grégoire Junod, qui, à travers ce prix, et à travers d’autres manifestations, décident en conscience de ne pas laisser tomber la littérature, au contraire.
Je souhaite leur dire ceci :
la littérature, certes, et sauf exception, ne remplit pas des stades. C’est un fait. Et pas seulement un fait, mais ce n’est pas DU TOUT son but.

Des choses absolument privées, absolument personnelles, SINGULIÈRES se passent entre une lectrice, un lecteur ET un texte littéraire. Ces choses sont précieuses : elles agrandissent nos perceptions individuelles, élargissent notre monde, nous disent un peu mieux qui nous sommes.

C’est pourquoi la littérature a toujours été et continue à être très FRAGILE.
Elle est fragile parce qu’elle est le territoire de la LIBERTÉ.

Elle peine à survivre parce que plus nous nous comportons comme des moutons, plus nous utilisons des mots passe-partout, plus nous nous conformons à ce qui se fait et ce qui se dit et ce qui est attendu, plus nous servons les buts de cette société de masse, emmenée plus vite que jamais vers la distraction, la robotisation, la consommation et la peur.
La météo a rarement été bonne pour la littérature. Aujourd’hui, elle est moins bonne que jamais. Soutenir les textes d’autrefois, d’hier, d’aujourd’hui, de demain, leur faire une PLACE, les aider à circuler, favoriser des rencontres et des discussions autour des livres, est un véritable acte de RÉSISTANCE, de nos jours.

Et pour finir, permettez que je vous dise que je suis très émue.
Je l’ai été lorsque j’avais appris que histoire de l’homme qui ne voulait pas mourir avait été sélectionné pour ce prix. J’avais eu de la peine à le croire. Un texte aussi sobrement littéraire, avec un titre pareil, en cette époque sinistre, une histoire si ordinaire, mettant en scène un homme et une femme si communs que nous pourrions tous, à priori, passer notre chemin… Un texte qui, à aucun moment, ne va chercher les émotions, les larmes, l’indignation, mais qui nous invite, par la seule grâce d’une écriture, à entrer dans l’épaisseur, les vibrations, les contradictions de nos relations humaines. Eh bien je dois vous dire qu’en mon for intérieur, je ne donnais pas tellement cher de la peau d’un texte pareil.
Or, depuis la sortie de ce livre, je m’aperçois que j’ai eu tort. Et vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureuse de m’être pareillement trompée.
Merci !
Une bonne suite de soirée à Vidy,
et longue vie au Prix du livre de Lausanne, et aussi aux éditions Zoé qui, en cette année 2025, fêtent leurs 50 ans.

© catherine lovey 20 janvier 2025