Le film Demain – à voir actuellement au cinéma – aurait pu être sous-titré On connaît la chanson, mais voici un refrain différent.
Non pas que Demain ait besoin d’un sous-titre, non pas qu’il affiche un air de famille avec l’excellent film réalisé par Alain Resnais en 1997, mais simplement parce qu’il joue sur quantité d’airs connus, que nous sommes désormais amenés à « chantonner » au quotidien, vu l’état de notre monde :
on va droit dans le mur,
la planète est fichue,
la démocratie mon c…,
tous des escrocs et des voleurs,
et cætera.
Ce n’est pas le moindre mérite de ce film réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent – autrement dit par la jeune génération – que de prendre au sérieux ces terribles et néanmoins réels constats, et d'aller les examiner de près. En faisant preuve d'une candeur aussi fraîche que celle manifestée par l’Ingénu, ce personnage que Voltaire fait débarquer dans la société française du XVIII ème siècle, comme s'il l'avait précipité sur une nouvelle planète.
Alors oui, notre terre n’en a plus pour longtemps à ce rythme. Oui, la finance sert les financiers, et pas les entreprises, encore moins les travailleurs. Nous nous sommes en effet rendus dépendants jusqu’à l’asphyxie de sources d’énergie qui certes nous propulsent, nous éclairent et nous chauffent, mais qui n’ont aucun avenir. Il est vrai aussi que nos démocraties sont avant tout des oligarchies, et que nos systèmes scolaires éduquent à tout, sauf à l’essentiel.
À partir de là, le but de Mélanie Laurent et de Cyril Dion n’est pas d’offrir une corde à chaque spectateur pour qu’il aille se pendre sitôt la salle quittée. Au contraire, et c’est toute la beauté de leur initiative, ce qu’ils sont allés voir de près, en différents pays, en différentes cultures, ce sont des hommes et des femmes qui ont décidé de faire autrement. Nous n’assistons donc pas, dans ce film documentaire, au classique débat opposant ceux qui justifient un système à ceux qui le contestent. Ce que nous voyons, ce sont des êtres humains en action, qui ont trouvé des solutions par eux-mêmes, souvent dans des environnements dévastés par des crises économiques. Et ces solutions marchent.
On pourrait dire pour résumer que l’herbe repousse, et qu’elle est réellement plus verte. Il ne s’agit pas d’idéologie. Ici, des communautés humaines abandonnées ont retrouvé un sens à leur travail et à leur vie. Là-bas, dans cette exploitation agricole qui fait tout à la main et n’utilise aucune substance chimique, la productivité au mètre carré est plus élevée que sur n’importe quel champ mécanisé de la terre. Dans une Islande au bord de s’effondrer sous les dettes, des citoyens ont décidé de réagir en citoyens, et de ne pas payer l’addition pour ceux qui s’étaient enrichis sur leur dos. Ailleurs, on a créé des monnaies locales pour les isoler de la spéculation et soutenir une consommation de biens et de services locaux. Dans une école finlandaise, des enfants sont éduqués d’abord à l’ouverture aux autres et à la tolérance.
Les exemples sont nombreux. Les projets ne sont en aucun cas menés par des allumés. Ils sont le fait d’êtres humains indépendants dans leur tête, qui regardent les choses autrement et les empoignent différemment. Loin des théories économiques dites fondamentales, loin des interdits, très loin aussi du réflexe victimaire classique.
Alors c’est vrai, une image satellite de notre planète en temps réel ne montre pas du tout que l’herbe repousse plus verte, comme elle le fait dans Demain. Les initiatives dont il est question sont de petites lumières, forcément étouffées par la couche de pollution actuelle. Mais leur source est bel et bien phosphorescente. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne nous est pas donné tous les jours de voir autant de lucioles danser tout à coup sur un écran de cinéma.